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En juin 2019, Stéphane Guigné, athlète et photographe membre du team CiLAO partait, en ski de randonnée, à l'assaut du Mustagh Ata, un sommet de 7 500 m situé dans l'Ouest de la Chine. Une expédition qui a demandé plus de 6 mois d'organisation et qui a poussé chaque membre du groupe dans ses retranchements, tant sur le plan physique que psychologique.
Salut Steph ! Nous allons parler de l’expédition du Mustagh Ata en Chine que tu as réalisé en Juin 2019. Peux-tu d'abord nous expliquer en quoi consistait le projet ?
L’objectif de l’expédition était de gravir le Mustagh Ata, un sommet à 7500 m situé à l’Ouest de la Chine dans la vallée du Xinjiang pas loin de la frontière avec le Tadjikistan. Ce sommet était à l’origine le rêve de Niklaas (un des membres de notre équipe) depuis plus de 10 ans ! L’enjeu était donc de préparer une expédition en haute altitude en autonomie et entièrement réalisable à ski de randonnée.
Comment avez-vous préparé et planifié un tel voyage ?
La préparation a duré environ 6 mois. Pour commencer, nous avons dû effectuer les demandes d’autorisations nécessaires auprès d’une agence locale car il s’agit d’une zone militaire très surveillée. On entend notamment parler de cette région du Xinjiang depuis peu dans les informations internationales concernant l’oppression musulmane et en particulier la présence de ces fameux “camps de rééducation”, ce dont nous avions déjà connaissance avant de prévoir le projet. Après avoir obtenu le visa Chinois ainsi que les permis d’entrée dans la région et celui d’ascension, nous avons réservé nos billets d’avion et tout le processus de préparation a enfin commencé.
Nous avons décidé de réaliser ce projet à 3 : Niklaas Guerrier, Shams Eybert-Berard et moi-même Stéphane Guigné. Nous nous sommes donc divisé les tâches selon nos profils. Niklaas, qui est actuellement au PGHM de Chamonix s’est occupé principalement de la partie sécurité en nous formant à faire un corps mort, à sortir quelqu’un d’une crevasse, à nous servir de la trousse de premier secours et de la trousse à pharmacie préparées par ses soins. Shams, ami d’enfance et guide de haute montagne, s’est chargé de la partie logistique, de la liste du matériel et de la gestion en haute altitude en effectuant un stage spécialement orienté sur les enjeux au niveau de l’alimentation, du physique, de l’acclimatation, etc. Quant à moi, en tant que photographe, je me suis penché sur le démarchage de sponsors pour obtenir un soutien au niveau du matériel technique, des provisions alimentaires, etc, dans le but de ramener des clichés de l’aventure et parler du projet à un plus large public. Je me suis également occupé de la préparation et du conditionnement des menus !
Peux-tu nous parler du matériel avec lequel vous êtes partis ?
La liste de matériel est longue, mais comprenait principalement des affaires pour gérer le froid, avec toujours le même critère : le rapport poids et usage. Nous avons opté pour une technique d’ascension alpine et non himalayenne, qui consiste à toujours avoir tout notre matériel sur nous et de ne faire que quelques centaines de mètres de dénivelés par jour. En opposition donc à la technique himalayenne, permettant d’effectuer de gros dénivelés avec plusieurs camps fixes, mais impliquant des allers-retours et du matériel en plusieurs exemplaires (tentes, duvets, etc). La liste de nos affaires comprenait donc, sans être vraiment exhaustive : des skis avec peaux, des chaussures de rando avec sur-chaussures en néoprène et des chaussettes chauffantes, un duvet -30°C, un carré mât isolé, une tente de haute altitude 3 personnes (clairement trop petite par mauvais temps), une petite et une grosse doudounes, une gore-tex, plusieurs tailles de gants, quelques buff (pour toujours se protéger du vent, du soleil ou même de l’air sec), des lunettes de soleil et masque catégorie 4 (indispensable car il fait trop lumineux tout le temps, même par mauvais temps), etc. Cependant, au-delà de tout cela, il fallait aussi penser qu’il y a de grosses différences de températures, qu’on on peut très vite se retrouver en t-shirt la journée, et donc finir avec tout dans le sac, sur le dos :)
Comment vous êtes-vous préparé en terme d’acclimatation ?
Comme vous le savez surement, l’acclimatation se fait au fur et à mesure, s’améliore et s’entretient avec de l’entrainement régulier, mais elle est dégressive dans le temps : si on ne fait rien pendant 3-4 semaines, on repart de zéro. En tous cas, pour notre part, on est parti du principe que notre corps est au top de son acclimatation pour l’altitude à laquelle on se trouvait environ 7 jours avant (si on a passé au moins 4h à cette altitude). Du coup, nous sommes partis faire 4 jours à ski de randonnée à plus de 3000 m d’altitude une semaine avant notre départ. Nous avons fait un raid dans le Mont Rose, à la frontière entre la Suisse et l’Italie, avec une nuit à 4554 m à la Cabane Reine-Marguerite, ce qui nous permettait d’arriver au camp de base chinois à 4400 m en étant bien acclimaté.
Comment s’est passée l’aventure une fois sur place ?
Dès notre arrivée à Kashgar, nous étions plongés dans l’ambiance chinoise entre pollution, chaleur et humidité. On avait presque du mal à croire que la neige était proche. Mais après la Pamir Highway Road et ses très nombreux checkpoints, nous sommes arrivés au village d’Idara à 3300m. Depuis là, après une nuit en bivouac dans un champs à Yack, nous avons marché jusqu’au camp de base. Journée vraiment tranquille puisque nos affaires étaient pour l’instant à dos de Chameaux.
Malheureusement, l’expédition ne s’est pas déroulée comme prévue à cause des conditions météorologiques. Notre périple a donc été entièrement rythmé par le temps : ascension quand il faisait beau, attente dans la tente ou au camp de base quand il faisait mauvais. Nous étions souvent contraints de redescendre au camp de base pour quelques jours, malgré notre plan initial de technique alpine, car il était hors de question de rester sur un glacier rempli de crevasses et d’évoluer à l’aveugle avec un épais brouillard, du vent et des températures en chute.
Nous nous sommes vite rendus compte que nos chances de parvenir au sommet étaient minces, en prenant les renseignements météo sur place ou via téléphone satellite ainsi que les retours des autres expéditions en avance de quelques jours. En effet, nous avons appris dès notre arrivée que la voie classique, habituellement “évidente”, n’était pas possible car d’énormes crevasses se trouvaient sur le chemin. Donc, non seulement, nous avions devant nous de mauvaises prévisions météo avec des chutes de neige quotidienne, mais en plus nous allions devoir faire des recherches d’itinéraire et tracer dans 30 à 50 cm de neige fraîche. Un comble quand on compare avec la plupart des vidéos de cette ascension sur Youtube.
Nous avons eu quelques belles journées cependant, au nombre de quatre sur la totalité de notre séjour comme en témoignent nos quelques photos ensoleilées. Mais au final, nous n’avons pas eu de fenêtre pour faire le sommet et nous avons été contraints d’abandonner notre objectif avant même la fin du voyage (on avait initialement prévu 21 jours sur place). Pour information, aucune expédition, commerciale ou indépendante, n’est allée au sommet ce mois de juin, et la trace a finalement été ouverte pour la première fois de la saison par des Sherpas début juillet. En Août, il était même possible d’aller à pied avec des mules jusqu’à 5700 m... une toute autre expérience.
Comment avez-vous affronté ces conditions météo qui vous ont empêché d’aller jusqu’en haut, physiquement et mentalement ?
La bonne nouvelle, c’est que nous étions bien préparés pour le froid ! Après, nous avons réfléchis à un plan B pour partir faire autre chose, un autre sommet, un petit raid ou autre. Mais la Chine ne nous offrait pas cette possibilité, on ne pouvait rien faire sans autorisation dans cette région. Il y avait même un officier de liaison au camp de base, assigné par le gouvernement chinois, pour renseigner les autorités de nos allées et venues au camp de base pour vérifier qu’on ne disparaisse pas dans la nature - soit disant par sécurité-, mais c’était plus de la surveillance.
Mentalement, ça a été assez difficile de réaliser aussi tôt que l’on n’atteindrait sûrement pas le sommet. Nous avions longuement discuté des différents scénarii si l’un d’entre nous se faisait mal, ne supportait pas l’altitude ou abandonnait pour autre raison... Mais nous n’avions pas envisagé de passer 3 semaines à attendre sous des tentes ! Chacun a réagi un peu différemment, mais globalement chacun s’est un peu renfermé sur lui-même et ça nous a tous mis un coup au moral. Nous avons donc abordé le séjour complètement différemment et ce n’était pas facile pour le groupe.
Comment vous êtes-vous occupé pendant les longues journées d’attente sous le mauvais temps ?
Heureusement, il y avait une tente mère au camp de base, où l’on allait se restaurer et échanger avec les autres groupes en autonomie. Cela a été l'occasion de rencontrer différents profils et beaucoup de nationalités dont un couple français, des suisses, un groupe de russes, des allemands, etc. Nous avons donc passé pas mal de temps à boire le thé et papoter des ascensions que l’on a fait, de notre planning, de nos organisations respectives, de nos souvenirs… Cela nous a tout de même rassuré dans notre façon d’aborder l’expédition, nous faisions partie des mieux préparés concernant l'acclimatation et l’alimentation ! C’était très intéressant de découvrir d’autres parcours de vie, d’écouter d’autres récits d’ascensions, mais cela nous écartait quelque part encore plus de notre objectif initial, ensemble, sur cette même montagne.
Vous avez croisé pas mal d'expéditions chinoises. Quelle différence culturelle avez-vous observé dans la façon d'aborder la montagne ou l'alpinisme ?
A part la vingtaine de personnes en groupes autonomes, il y avait 3 camps chinois avec de grosses organisations où tout était inclus. Les voyageurs arrivaient sur place, étaient équipés de la tête au pied, logés et nourris, accompagnés d’un sherpa (pour 1 ou 3 personnes selon le budget) qui faisaient la trace, leur montaient les tentes et servaient même le thé et les repas. C’était l’autoroute de l’alpinisme, version tente 5 étoiles ! C’est là que nous avons appris certaines règles chinoises, comme le fait de devoir obligatoirement "valider" un sommet à 7000 m avant de pouvoir entreprendre des sommets à plus de 8000 m. Beaucoup étaient donc là parce que c’est l’option la plus plus simple pour ensuite envisager d’aller faire le K2 ou l’Everest et avoir un record à leur actif. Le but étant très souvent d’aller sur le toit du monde. Bref, cocher une case de leur bucket-list.
Autant dire que c’est une approche bien différente de la nôtre ! Mais rien ne nous faisait rêver là-dedans. Ce n’est pas du tout l’exploration comme on l'imagine, perdus dans la nature, à partager une aventure entre copains. Nous étions face à l’équivalent d’un car de touristes, seulement ils étaient encordés par groupes de 8, en raquettes, avançait de 10 pas droit dans la pente, faisaient une pause de 2 minutes, refaisaient 10 pas, tout ça à bout de souffle : le rêve ???? !
Rien ne s’est passé comme prévu, mais tout de même quel est ton meilleur souvenir dans cette aventure improbable ?
Ce n’est pas forcément un meilleur souvenir, mais deux choses m’ont marquées ! Tout d’abord, le paysage. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi impressionnant de voir une vallée désertique très aride à perte de vue avec du sable et de la roche dans des tons jaunâtres et rouges, entourés de sommets entre 6000 et 7000 mètres parsemés de neige. Et nous, nous trouvions en plein milieu, sur ce monstre, grosse dune, cet énorme glacier (“Mustagh Ata” signifiant littéralement “Ice-Father Peak”), à observer l’évolution de ce panorama des matins enneigés aux soirs où tout avait fondu au loin et était de nouveau rouge.
Ensuite, ce sont les discussions avec les gens aux camps de base ou sur le chemin, que ce soit avec les sherpas ou les alpinistes qui ont fait 10-15 ascensions dans leur vie à plus de 7000 m. Certains chinois faisaient leur premier pas sur un glacier On parlait tantôt dans un anglais fluide et tantôt en langage des signes avec certains… Raconter et découvrir toutes ces histoires était passionnant !
Vous êtes donc monté jusqu'où et pourquoi ?
On s'est arrêtés vers le Camp 2, officiellement implanté par les expéditions commerciales chinoises, juste au dessus de 6000 m. Ce jour-là, nous n’avions pas grand chose dans nos sacs à dos, peu de vivres et rien pour bivouaquer, car lorsque nous sommes montés à cette altitude, ils annonçaient un temps désastreux pour les 5 jours suivants. Nous ne voulions pas risquer de tout abandonner en haut alors nous avons franchi ce petit record ensemble. Ensuite, sans nouvelle fenêtre météo, nous avons fait une croix sur le sommet.
Quelles leçons ou conclusions en tirez-vous pour vos prochains voyages ou expéditions ?
Je réalise que nous avions préparé l’expédition de manière très factuelle en termes de matériel, de repas, de poids des affaires au gramme près, de plans, de schémas d’ascension… Toutes les questions que nous avions posées à des guides étaient très quantitatives et/ou pratique mais finalement peu centrées sur l’humain, et c’est une erreur à ne pas refaire. Qu’on réussisse ou pas, c’est toujours une étape psychologique à franchir, et en sachant dès le début que nous n'atteindrions surement pas notre objectif, nous nous sommes tous un peu renfermés sur nous-même. Cela a directement impacté notre quotidien. Nous avions chacun notre manière d’aborder cet échec du sommet... alors que finalement, nous aurions dû profiter pleinement de ce temps de pause, entre copains, coupés du monde (en vrai pas si coupés étant donné qu’il y a la 4G). Certes, cela nous était imposé par la météo, mais nous aurions pu profiter pleinement de ces simples instants de vie pour partager de manière plus spirituelle.
Ainsi, dans mes prochains voyages, je sais désormais que j’accorderai plus d’importance au pourquoi et aux motivations derrière chaque projet. Plutôt que de prendre toutes les opportunités qui se présentent, creuser l’enjeu personnel me paraît essentiel. Personnellement, je chercherai quelque chose de plus technique plutôt que de la très haute altitude, avec plus de diversité au quotidien que ce soit en terme de paysages, d’itinéraires, de rencontres, etc. Car le plus décevant était concrètement le côté répétitif de l’ascension. J’ai beaucoup aimé la préparation hyper stimulante de cette expédition mais l’objectif unique, quantitatif, n’était jamais ma motivation principale et je suis déjà très content d’être allé à 6000 m.
Je vais donc me tourner vers des projets en itinérance avec plus de vie et de diversité, où l’on peut s’émerveiller chaque jour sur un nouveau paysage, se décaler selon les conditions météo et échanger avec des locaux.
Un retour sur les sacs Cilao qui vous accompagnés pendant votre périple ?
Nous avions déjà eu de super retours de la part de certains guides sur les sacs, comme étant “la référence” en terme de légèreté, volume et durabilité. Et en plus du Made In France ! De notre côté, il fallait prévoir de porter tout le matériel sans rajouter inutilement de poids afin de ne pas dépasser la barre d’environ 20 kg pour le sac que nous allions avoir avec les skis aux pieds. Quand j’ai reçu le colis, j’ai surtout eu peur que tout notre matériel ne tienne pas bien dans cette grosse poche orange avec un tissu très léger (le sac [le Takamaka 100D] fait seulement 1,3 kg pour 89 L). En fait, une fois sur le dos et bien rempli, j’ai tout de suite été séduit ! Les sacs étaient super agréables à porter - que ce soit le confort des mousses dorsales, la modularité des double sangles au niveau des épaules ou la forme qui s’élèvent bien au-dessus de la tête, c’est un tout qui permet de bien répartir la charge, ce qui me paraît essentiel quand on a sa vie sur le dos comme des escargots. La poche principale a une fermeture en “L inversé” qui couvre tout un côté du sac ainsi que le dessus : ça permet de bien l’ouvrir en deux et d'accéder facilement à n’importe quelles affaires si besoin. Et sur l'extérieur, c’est hyper pratique. Il y a plusieurs porte-matériels sur la ceinture ainsi que pleins de sangles tout autour du sac permettant des combinaisons sans fin pour disposer à sa guise, avec de simples tête d'alouettes, tous ses accessoires faciles d’accès. Bref, je recommande et je repartirai avec dans ma prochaine expé !
Et puis, cela a aussi été l'occasion d'une belle rencontre avec l'équipe CiLAO ! Ils nous ont supportés dès le premier email qui présentait le projet. Ils nous ont également envoyés quelques pochettes ainsi que des baudriers ultra légers. On a bien communiqué en amont sur notre aventure, etc. Bref, un retour super positif et un vrai partenariat humain !