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Fleur de Lotus, Parc National de Nahanni - Canada

« Dès les premières heures de notre périple, nous trouvons ce pourquoi nous sommes venus : l'immensité sauvage. »

Bastien Fleury, Fabien Dugit, Julien Martin et Jacques Champagne sont partis en août gravir la Fleur de Lotus en optant pour une approche en canoë et à pieds plutôt qu'une dépose en hélicoptère. Vingt-deux jours d’expédition au cœur du Parc National de Nahanni dans les Territoires du Nord-Ouest au Canada.

Expédition à La Fleur de Lotus du 1er août au 22 août 2018, par Bastien Fleury

« La Lotus Flower Tower, un mythe et un fantasme pour beaucoup de grimpeurs. Moi, je n'en avais jamais entendu parler avant que mon collègue et ami, Fabien Dugit, me fasse part de son projet de voyage dans l'immensité sauvage des Territoires du Nord-Ouest au Canada. Il faut dire que cette montagne est surtout inaccessible par son éloignement et par la météo assez défavorable qui y règne, plutôt que par sa difficulté technique. Mais dans la tête de Fabien, ce sommet semblait être seulement un prétexte, un objectif secondaire. L'objectif principal de son voyage était autre : se perdre en pleine nature, loin de tout, descendre une rivière en canoë et vivre en autonomie comme des pionniers. C'est cet objectif qui m'a tout de suite séduit, et c'est ainsi que je me suis retrouvé dans l'équipe au départ de cette formidable aventure.

Fleur de Lotus depuis prairies Feary Meadows

La Lotus Flower Tower (au centre à gauche) vu depuis les prairies de Feary Meadows

Nous sommes quatre à quitter Chamonix le 26 juillet 2018. Fabien Dugit et Julien Martin, gendarmes au sein du PGHM de Chamonix, comme moi, et Jacques Champagne, médecin aux hôpitaux du Mont-Blanc avec qui nous travaillons régulièrement. Nous partons pour le Canada, le Territoire du Nord-Ouest, le Nahanni National Park Reserve.

De gauche à drote : Jacques Champagne, Julien Martin, Fabien Dugit, Bastien Fleury
Les quatres aventuriers à Glacier Lake, à la moitié de l'expédition - au second plan, le Cirque des Parois Impossibles
Crédit photo : Gérald R. Lacelle

Nous sommes déposés en hydravion le 1er août 2018 sur le Lac Divide, dans le Naats''ihch'oh National Park Reserve, à 63° de latitude nord. Nous avons avec nous deux canoës, deux tentes, deux cannes à pêche, un gros sac de nourriture et des vêtements. Nous avons rendez-vous 22 jours plus tard avec notre pilote aux Chutes Viginia, 200 km au sud-est à vol d'oiseau.

Bivouac aux bords de Divide Lake dans le parc national de Nahanni
Premier bivouac aux abords de Divide Lake

Le voyage se décompose en 3 phases :

Partie 1 - Nous disposons d'environ 7 jours pour descendre la Broken Skull River en canoë, rejoindre la South Nahanni River et atteindre la confluence avec Brintnell Creek (130 km, classe II et III).

Partie 2 - De là, nous laissons les canoës et nous avons plus ou moins 7 jours pour rejoindre à pied le Cirque of the Unclimbable (le Cirque des Parois Impossibles) et pour grimper, si la météo le veut bien, la Lotus Flower Tower.

Partie 3 - Enfin, il nous restera environ 7 jours pour rejoindre les canoës et descendre la South Nahanni River jusqu'aux Virginia Falls (130 km).

Expédition Fleur de Lotus

Le planning n'est pas très serré ce qui nous laisse du temps pour adapter notre programme à nos envies et partir en exploration sur des territoires souvent vierges de tout passage humain.

Payasages South Nahanni River
Paysage typique en s'élevant au-dessus de la South Nahanni River

Dès les premières heures de notre périple, nous trouvons ce pourquoi nous sommes venus : l'immensité sauvage. Le paysage est grandiose, après quelques hectomètres de canoë nous surprenons déjà un loup aux abords de la rivière. La nuit suivante est inoubliable, bercée par les hurlements ininterrompus d'une meute toute proche. Puis la descente de la Broken Skull River est un ravissement. Chaque bivouac est plus beau que le précédent. Des bois d'élans ou de caribous jonchent le sol, les crottes de grizzli nous rappellent de faire attention. La rivière de carte postale qui coule et les poissons qui se jettent sur nos cuillères. Nous vivons au rythme de la nature, le soir au bord du feu, la journée dans le canoë ou en montagne à explorer des terres primaires.

Bivouac au bord de la Brocken Skull River
Un de nos premiers bivouac, au bord de la Broken Skull River

Rapides dans la Broken Skull River
Fabien ne se laisse pas impressionner par les rapides de la Broken Skull River

Nous rejoignons la South Nahanni River dans la journée du 6 août. La rivière est plus grosse, moins claire. Des castors travaillent le paysage. Le 7 août, nous arrivons à Brintnell Creek. Nous laissons les canoës et partons à pied en direction de Glacier Lake. Nous traversons ce lac long de 5 km à quatre dans un canoë laissé là pour les aventuriers se rendant au Cirque des Parois Impossibles. Nous n'avons pas de pagaie. Des planches et un couvercle de casserole au bout d'une branche font l'affaire, mais que c'est long ! Au bout du lac, nous nous installons pour bivouaquer. La deuxième partie de notre voyage s'ouvre, avec l'objectif de grimper la Fleur de Lotus.

Traversée Glacier Lake pour atteindre le Cirque des Parois Impossibles
La traversée de Glacier Lake avec des pagaies de fortune est une expédition à elle seule - au fond, le Cirque des Parois Impossibles

Le temps depuis le début du voyage est fluctuant entre belles éclaircies et averses. Ici, c'est différent. Un micro-climat concentre une perturbation quasi continuelle. Dans le cirque, 800 mètres plus haut, il semble ne pas s'arrêter de pleuvoir. Nous retrouvons un sac avec notre matériel d'escalade et de la nourriture que notre pilote d'avion a laissé là, au bord du lac. Nous montons le 8 août dans le cirque déposer le matériel d'escalade ainsi qu'une tente. Le temps est maussade et il fait froid. Nous redescendons dans la journée au Lac Glacier.

Nous passons quatre nuits de suite au bord de ce lac, attendant des jours meilleurs. En haut, il a neigé et nous ne sommes pas très optimistes sur nos chances de gravir la Fleur de Lotus. Jeanne, notre routeur météo nous annonce sur notre balise Argos un créneau de beau temps pour le 11 et 12 août. En attendant, nous prenons le temps de vivre au bord de ce lac. Une mère grizzli et son petit passe un jour sur la berge en face : magnifique spectacle !

Bivouac au Glacier Lake en attendant une fenêtre météo
Les journées de repos au bord de Glacier Lake, malgré le temps maussade, le cadre est exceptionnel

Le 11, il fait grand beau, comme prévu. Nous rejoignons la tente dans le cirque. Cette fois-ci, nous pouvons prendre la mesure de ce lieu unique au monde, bordé de faces de granit. Un coin de paradis, une prairie d'altitude au milieu de hautes parois à couper le souffle. Dommage qu'il y fasse si souvent mauvais... Nous rejoignons le pied de la Fleur de Lotus avec le matériel d'escalade. Nous le déposons au pied des 800 mètres de la paroi. Julien et Fabien fixent les trois premières longueurs qui se déroulent dans un dièdre mouillé et peu accueillant.

Cirque des Parois Impossibles - Bivouac de Feary Meadows
Derniers préparatifs au bivouac de Feary Meadows dans le Cirque des Parois Impossibles

Le créneau de beau temps n'a pas échappé à d'autres grimpeurs qui arrivent en hélicoptère dans le cirque. Un autre groupe de quatre américains est là aussi, arrivé comme nous en canoë par la South Nahanni River. Un peu dépités, nous constatons qu'aussi loin de tout, nous allons nous retrouver à 6 cordées dans la voie. C'est le jeu, cette voie mythique attire les grimpeurs du monde entier, et malgré notre approche sauvage, nous retrouvons un arrière-goût de Chamonix. Mais au moins nous aurons la chance de tenter la voie.

C'est le grand jour, dimanche 12 août 2018. Nous nous réveillons à 2h45. Un lyophilisé englouti sous les aurores boréales et nous sommes partis. Arrivés au pied de la voie, le groupe d'américains est dans les premières longueurs. Ça n'avance pas vite et en plus, ils n'utilisent pas nos cordes fixées. Après une bonne heure et demie d'attente, nous commençons à grimper. Fabien et Jacques dans la première cordée, Julien et moi dans la seconde. Nous remontons les cordes sur les trois premières longueurs bien mouillées et bien glauques. Nous doublons une des deux cordées d'américains. S'en suit cinq longueurs dans une cheminée en 5 assez raide et parfois physique. Nous ne pouvons pas hisser le sac et le second est obligé de grimper avec. Nous arrivons à une grosse terrasse bien confortable. La suite est magnifique. Deux longueurs dans un dièdre pour atteindre une brèche, on est alors au pied du headwall.

Cheminée de la Fleur de Lotus
Les longueurs du bas dans la cheminée

Au-dessus de nous, c'est une face de granit rayée de fissures bouchées, et des knobs qui ressortent un peu partout. Quatre splendides longueurs sur ce rocher, avec les prises en reliefs sur mur lisse, comme à la salle d'escalade, sauf qu'ici il faut mettre ses propres protections dans les fissures bouchées. Les possibilités de protéger sont parfois éloignées, pour nous qui manquons de petits coinceurs. Au-dessus, il ne reste plus grand chose mais ça se raidit encore. La 15ème longueur est bien physique avec un toit à passer. Puis la 16ème, une double fissure de 50 mètres en coincement, avec quelques knobs pour se reposer.

Headwall Fleur de Lotus
Grimpe comme à la salle sur les mythiques "knobs" dans les premières longueurs du Headwall
Double fissure de la 16ème longueur de la Fleur de Lotus
Jacques dans la double fissure de la 16ème longueur, le sommet n'est plus très loin

Enfin, une grande 17ème longueur permet d'atteindre le sommet. Il est 20 heures, le soleil est rasant. Il y a du vent, il fait froid mais la vue est à couper le souffle ! D'un côté, le cirque des Parois Impossibles, avec notre bivouac dans les prairies. Plus bas, le Glacier Lake et la Brintnell Creek qui coule jusqu'à la rivière Nahanni Sud où nous sommes arrivés. De l'autre côté, des hauts sommets et des glaciers que nous ne soupçonnions pas.

Sommet Fleur de Lotus
Au sommet de la Fleur de Lotus, le paysage est alpin !

Le temps de faire une photo et il faut repartir, la descente est encore longue. 16 rappels en tout, très inconfortables, parfois en pleine dalle pendus à 4 sur un relais. La grosse vire, à la moitié, nous permet de souffler un peu et de remettre une couche. Il fait à présent nuit. Nous continuons notre descente avec l’appréhension de coincer une corde. Il y a certes des cordées derrière nous qui pourront nous la décoincer, mais l’idée d’attendre pendus sur ces relais en pleine dalle ne nous fait pas rêver.

Finalement, nous touchons terre, il ne nous reste plus qu'à redescendre au campement avec nos sacs. Une grosse heure de marche et nous y sommes. Bien fatigués et tellement contents d'avoir grimpé cette voie mythique que nous étions si peu sûrs de gravir. Nous mangeons, nous nous réhydratons, avant de nous coucher vers 2h00...

Au réveil le lendemain, nous sommes euphoriques. La pression est retombée et a laissé place à une grande satisfaction. Nous mesurons d'autant plus notre chance que la pluie a recommencé à tomber. Nous avons eu tout juste le créneau de beau temps rêvé. Dans la journée nous redescendons à Glacier Lake. Nous y passons à nouveau une nuit pour reconditionner le matériel. Le lendemain nous repartons pour la rivière. La traversée du Glacier Lake dans l'autre sens, bien que longue, est plus aisée. Fabien a fabriqué des pagaies et nous en avons chacun une ! Arrivés au bout du lac, nous surprenons une mère élan et son petit sur la berge. Nous aurons vu tout ce que nous étions venus voir !

Elan aperçu dans le Glacier Lake
L'expédition avait également pour objectif ce genre de belles rencontres

Après la première semaine du voyage où nous avons vraiment profité pleinement de cet espace sauvage, et la deuxième où nous avons vaincu la Fleur de Lotus, tous les objectifs étaient atteints. Il s'agissait maintenant de profiter des grands espaces et d'arriver à temps pour être récupérés par l'hydravion. Nous reprenons les canoës pour les quelques 130 kilomètres restants. Nous faisons une halte pendant 2 jours au bord du Rabbitkettle Lake, une autre à Oxbow Lake. Nous profitons des jours où nous ne naviguons pas pour explorer les alentours et faire de belles randonnées.

Randonnée dans le Parc National de Nahanni
En randonnée sur les crêtes dominant la rivière, le paysage est splendide

Sur cette section finale, la rivière s'apparente plus à un fleuve. Nous relions nos deux canoës avec des troncs d'arbres pour former un catamaran. C'est plus simple de maintenir ainsi le cap, et c'est plus sympa. Au fil de la descente, le courant est de plus en plus faible, il faut pagayer. Nous fabriquons alors une voile à l'aide d'une bâche pour parvenir à faire quelques pointes de vitesses, poussés par le vent de dos. C'est plus marrant qu'efficace, car il faut souvent lâcher la voile et reprendre les pagaies pour remonter le vent au fil des méandres de la rivière !

Canoë sur la South Nahanni River
Notre montage rudimentaire pour se faire pousser par le vent !

Nous arrivons aux Virginia Falls avec deux jours d'avance. Le temps de descendre en aval des chutes pour mieux jauger leurs 96 mètres de haut et ainsi faire une rando de plus. Randonnée où nous parviendrons à chasser une perdrix pour notre dernier repas. Il ne fallait pas que le voyage se prolonge plus longtemps, notre sac de nourriture est vide !

Nous sommes récupérés le 22 août 2018 au lieu prévu. La fin d'un voyage extraordinaire, où tous les objectifs ont été remplis et où nous en avons pris plein les yeux. Nous avons pu nous déconnecter complètement de notre quotidien pour vivre simplement au rythme de la nature, ici préservée. Une super aventure qui ne donne qu’envie de repartir ! »

Les chutes Virginia vues depuis l'hydravion
Tout juste récupérés par l'hydravion, nous survolons les Virginia Falls

Matériel CiLAO utilisé par Bastien Fleury : sac à dos TAPCAL 2D & harnais OZ 37 PRO.

La Fleur de Lotus est une paroi de granit de 800m au milieu du « Cirque of the Unclimables ». La première ascension fut réalisée en 1968 par une cordée américaine composée de Harthon « Sandy » Bill, Tom Frost et Jim McCarthy. Ce sont les français Bernard Amy, Joël Coquegniot et Patrick Cordier qui ont accompli la deuxième en 1972.

Crédits photos : Bastien Fleury, Fabien Dugit et Julien Martin