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Jean-Philippe Tremblai, dit Zavatte, sur Utsteinen avec la station belge Princess Elisabeth en arrière-plan.
La station de recherche belge Princess Elisabeth basée en Antarctique a été construite entre 2007 et 2008. Elle a pour spécificité d’être la première station polaire au monde zéro émission.
En activité pendant l’été austral, c’est-à-dire de novembre à mars, elle accueille en plus des scientifiques une grande variété de corps de métiers (cuisiniers, charpentiers, mécaniciens, pilotes d’avion, artistes…).
Localisation de la station Princess Elisabeth :
- Antarctique
- Massif montagneux Sør Rondane
- 1400 mètres d’altitude
- 250 kilomètres l’éloignent de la côte
- 2000 kilomètres la séparent du Pôle Sud
De mi-novembre 2018 à fin février 2019, Tom Sage-Segard et Jean-Philippe Tremblai, dit Zavatte, sont partis travailler 100 jours sur cette station polaire Princess Elisabeth. Ils reviennent en nous racontant leur expérience quelque peu hors du commun !
Tom et Jean-Philippe racontent leur expérience sur la station polaire Princess Elisabeth
Le début de l'aventure
Courant 2018, Zavatte entend par son ami guide Christian Herzog, que « International Polar Foundation » recrute la prochaine équipe pour partir sur la station Princess Elisabeth. Il décide alors de tenter l’expérience. Quatre mois avant le départ en Antarctique, il retrouve une partie de l’équipe lors d’un weekend à Chamonix. Un moment consacré notamment à des entraînements en orientation et secourisme spécifiques au continent et à l’isolement de l’Antarctique. Lors de ce week-end, Zavatte, recruté principalement pour la mécanique, s’entend dire qu’il manque un charpentier dans l’équipe. Il parle donc naturellement de Tom Sage-Segard qui vient de terminer ses 5 années d’étude en charpente. Après un entretien Skype et de nombreux tests médicaux pour vérifier l’aptitude physique, Tom intègre alors l’équipe au départ.
Le 13 novembre 2018, départ pour la station Princess Elisabeth : Genève – Paris - Captown – Antarctique
La vie sur place
Coupés du monde, nous ne nous ennuyons pas pour autant. Nous avons quand même deux PC avec une connexion internet ce qui nous permet de suivre l’actualité au loin, et c’est très bien comme cela. Notre planning est rapidement comblé par le travail qui nous est confié : 60 heures par semaine réparties sur 6 jours. Nous avons une heure de libre entre 19h et 20h, avant le diner, où nous nous occupons comme nous le souhaitons : bloc (escalade) dans la petite salle de sport, snowkite, petite sortie de ski de randonnée sur Usteinen (la montagne avoisinante) ou repos.
Il y a des nombreuses allées et venues sur la base. En fonction des moments, nous sommes entre 15 et 45 à y vivre. Le diner est alors un vrai moment d’échange que ce soit avec les scientifiques, les « constructeurs », les responsables de la station, les guides polaires ou encore les mécaniciens. Les discussions sont captivantes et ne manquent pas de convivialité !
Zavatte
Après un premier chantier de 15 jours pour fabriquer un toiton aux côtés de Tom, les ¾ de mon travail étaient dédiés à la mécanique. Il s’agit du cœur de la base car sans les motoneiges ou les dameuses, la vie sur la station est en suspens. Au programme : maintenance générale du type vidange, changements des embrayages, réparation des pannes quotidiennes, etc.
J’ai aussi pris part à la première des trois « traverses » qu’il y a eu cette saison. La « traverse » est une expédition d’une grosse semaine en dameuse où nous déplaçons des conteneurs entre la station Princess Elisabeth et la côte, soit 250 kilomètres de traversée. Je ne suis pas prêt d’oublier ces 3-4 jours à avancer dans le jour blanc à 10km/h ! Nous sommes partis avec quelques conteneurs posés sur des luges contenant les déchets, des matériaux et de l’outillage dont la station n’avait plus utilité. Arrivés sur la côte, il a d’abord fallu décharger le cargo qui passe une seule fois dans la saison nous apporter victuailles, matériaux et outillages. Une fois cette tâche terminée nous l’avons, à l’inverse, chargé des conteneurs que nous venions de ramener. Au retour, c’est une dizaine de conteneurs que nous tractions derrières nos dameuses.
Lors de la traverse, les dameuses permettent de lisser les sastrugi de sorte à obtenir une piste pour tracter plus facilement les conteneurs
Le cargo qui passe une fois par an déposer des conteneurs et en récupérer vient d’arriver sur la banquise
Tom
Mon premier travail, qui a duré un mois et demi, était consacré à l’aménagement d’un nouveau bâtiment dans lequel nous avons construit en équipe 16 chambres, des cloisons jusqu’aux étagères. J’ai aussi passé beaucoup de temps la première semaine à déneiger les toits sur lesquels l’accumulation hivernale avait posé presque quatre mètres de neige et fait craqué de nombreuses poutres ! Le déneigement a aussi été nécessaire tout au long des quatre mois après chaque tempête pour dégager les portes, les toits et les panneaux solaires.
Construction d’un toiton pour empêcher les accumulations de neige
Ma seconde mission, le plus gros chantier de cette saison, était la construction d’un grand hangar à 3 kilomètres de la station qui sera utile pour hiverner les 5 dameuses, les 2 grues et les 2 buldozers, durant les 8 longs mois d’hiver. La partie fondation de cette structure réalisée majoritairement avec du bois a été exténuante. Nous avons passé deux semaines à tronçonner la glace bleue pour décaisser 60 centimètres sur plus de 150 ml afin de poser de grosses poutres métalliques que nous avons ensuite immobilisées dans de l’eau, le béton de l’Antarctique ! Cette technique permet d’ancrer la structure bois au glacier et lui permet de résister aux rafales hivernales avoisinantes les 300 km/h.
Tous nos transports se faisaient en motoneige. Lorsque nous devions transporter des matériaux, nous utilisions des traineaux à l’arrière de ceux-ci. Je n’ai jamais été aussi heureux de me rendre sur un chantier lorsque j’embarquais sur ma motoneige et que je filais à toute vitesse au milieu de cette immense calotte polaire d’une grande pureté. Il fallait toutefois toujours se méfier du froid vivifiant qui te rappelait à l’ordre lorsqu’un collègue t’informait que ton nez était tout blanc, signe d’un début de gelure…
Décaissement de la glace pour les fondations d'un nouveau hangar
Tom en haut de l’échelle, nous posons des panneaux de bois massif pour fermer le hangar
A côté de cela, il y a eu les tâches quotidiennes sur la station qui occupait 10% de mon temps de travail comme le rangement, le nettoyage, la participation à la cuisine comme « kitchen aid » ou encore le déneigement des portes.
Au cours de ces 4 mois, nous avons permis 5 études scientifiques autour de la station Princess Elisabeth. Nous oublions parfois que nous sommes là pour la science ! Voici un bref aperçu des études classées par effectif croissant :
- - Mise en place d'une station de mesure du champ magnétique terrestre par l'Institut Royale Météorologique Belge,
- - Recherche sur la vitesse d'érosion des montagnes pour ainsi calculer les apports en fer, contenu dans la roche et dans l'océan,
- - Captage de poussières organiques et inorganiques pour évaluer entre autre l'étendue de la pollution dû à l'Homme et mieux comprendre les flux d'airs,
- - Et la plus importante, comptant 10 personnes et une très grosse logistique, une équipe de glaciologue venant depuis plusieurs années qui ont carottées la glace sur 250 m de profondeur. Avec cela, il collecte des échantillons d'air et peuvent ainsi comprendre l'évolution du climat sur plusieurs millions d'années.
Notre chef de station, Alain Hubert, tenait à ce que les scientifiques présents nous exposent, à l’occasion de veillées, le travail qu’ils réalisaient. Ceux de passage qui naviguaient de base en base, prenaient aussi le temps de nous expliquer leur travail. Une bonne manière pour nous, de réaliser à quoi servait le travail que nous réalisions ici.
Les Sør Rondane Mountains
Les dimanches sont libres et nous avions carte blanche pour nous divertir. C’était l’occasion d’aller explorer les environs de la station polaire. Nous avons eu de la chance côté météo, le temps était radieux.
L’atmosphère des Sør Rondane Mountains
Les Sør Rondane Mountains ressemblent aux montagnes que nous pouvons trouver chez nous mais sans jamais voir un brin d’herbe ! Il y a de jolies faces de granit et de superbes couloirs à skier, de quoi se régaler en alpinisme et en ski de randonnée. Nous pouvions trouver toutes les technicités mais ce qui compliquait les courses que nous faisions était le grand froid, ajouté au vent fort.
De la poudre sous nos skis ! C'est exceptionnel pour l'Antarctique qu'il neige, il y fait trop froid habituellement.
Zavatte guide les sorties dans les Sør Rondane Mountains
Ascension du Wengen, Sør Rondane Mountains
Matos
Pour les chantiers, nous sommes partis avec le sac à dos UTiL 25. Le gros chantier se situait à 3 kilomètres et nous faisions des allers-retours matin, midi et soir en motoneige. Avec le froid, nous avions besoin de beaucoup de batteries, c’était parfait pour les transporter. Sur le chantier, il était aussi idéal pour tout l’outillage portatif.
Pour l’alpinisme nous avions le sac dos TAPCAL 2D de 33 litres. C’était le volume idéal pour les courses car nous devions partir avec beaucoup d’équipement pour le froid et un gros thermos de 1L. Très confort et la possibilité d’attraper le piolet sans avoir à retirer le sac est un vrai plus sur ce modèle !
Côté ski de randonnée, nous avions le dos MAÏDO ONE DAY (27 litres). Nous l’aimons beaucoup car c’est le juste volume et on ne le sens pas sur le dos.
Exercice de secours en crevasse
Tom Sage-Segard
En quelques mots Tom Sage-Segard a 20 ans. Il a terminé en 2018 ses 5 ans d’études en charpente (BAC PRO puis BTS). A son adolescence il découvre et se passionne des sports de montagne : ski de randonnée, alpinisme, escalade en grande voie, VTT…
Jean-Philippe Tremblai, dit Zavatte
Guide de haute montagne et moniteur de ski, Zavatte a appris la maitrise de la mécanique et de la charpente sur le terrain, en autodidacte.
Pour en savoir plus sur la « International Polar Foundation » et l